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Ryan Foerster. « I’ll check on the plants, and then on the objects, maybe move a few things around so that they get more or less sun »

Les photographies de Ryan Foerster naissent d’un hasard plus ou moins prémédité et toujours heureux.
En 2009, un cliché de l’artiste d’une baignade nocturne est abîmé par accident lors d’une exposition. Au lieu de se défaire de cette pièce, Foerster y voit l’occasion d’en faire quelque chose de nouveau : l’artiste prend la photo et la laisse volontairement sur le toit de sa maison pendant quelques jours, complètement exposée aux intempéries extérieures[1].
Le soleil, la pluie et les fientes des oiseaux dégradent progressivement la pellicule jusqu’à modifier la lecture de la photographie. La surface de celle-ci, maculée par les différentes interventions de l’environnement, fait alors penser, comme suggéré par le titre de l’œuvre, à une image de l’espace. Image qui se superpose à l’image initiale, une photographie qui devient par conséquent une image double : Universe/Julie Night Swim (2009-2011).
The Sky is Falling Green (2013) et d’autres pièces plus récentes de l’artiste sont encore le résultat de l’exposition de papier photographique (sur lequel Foerster dépose des pierres ou de la terre) aux conditions atmosphériques extérieures. Les couleurs vives, vertes, noires, blanches et violettes, témoignent toutes d’un processus de fabrication de l’image très organique : le soleil qui colore ou non la pellicule, des émulsions d’un papier qui se décompose en partie par la pluie, et de l’urine des chats du quartier qui semblent affectionner tout particulièrement l’odeur du papier[2].

C’est dans cette approche de la photographie comme matériau vivant et périssable que le travail de Foerster se situe : « Dans mon jardin, j’ai des plaques d’impression qui chauffent au soleil, elles ne sont pas très loin des tomates et concombres que j’arrose plus tard. […] J’aime beaucoup m’occuper de ce double jardin où je prends soin des plantes puis des objets, ou alors je bouge des choses ici et là qui auraient plus ou moins besoin de soleil.[3] »
Dans une logique de recyclage (tout comme des fruits et légumes pourris servent à produire un compost qui profitera à d’autres végétaux) l’artiste n’hésite pas à réutiliser des pellicules photographiques quand le matériel se fait rare ou à employer du papier photosensible périmé, anticipant parfois les effets produits, mais incapable de déterminer par avance le résultat final. Fucked Up Horse (2011) est ainsi la photographie d’un cheval blanc à l’allure statuaire que les effets d’une pellicule recyclée transforment en délire psychédélique.

Il semblerait, par ailleurs, que le lieu le plus a même à exposer le travail de l’artiste ne soit pas l’espace neutre d’une galerie.
En 2012 à Miami, Ryan Foerster était invité par Bob Nickas et par la galerie itinérante Shoot the Lobster à monter une exposition personnelle dans un terrain vague. Celle-ci se transforme très vite en prolongement naturel du jardin/atelier de l’artiste : exposées à même le sol, les photographies et des plaques d’impression peuplent le terrain vague en se fondant avec leur environnement, retenues par des pierres trouvées sur place, ou par des morceaux de verre achetés par l’artiste dans un magasin d’occasion à proximité. L’arbre solitaire du terrain vague, deux panneaux For Sale et d’autres objets trouvés, ainsi que les fondations des anciens bâtiments des alentours, deviennent des personnages importants de cette exposition. Le résultat est une harmonie improbable née de ces rencontres heureuses.

Comme Walead Beshty ou Tamar Halpern, Ryan Foerster est de ces photographes qui remplace le déclic de l’appareil photographique ou l’accompagne d’une série d’interventions chimiques ou matérielles qui donnent naissance à l’image.
Ce type de photographie, comme le fait souvent la peinture, montre le résultat du processus de sa fabrication, elle se propose comme un répertoire des différents effets causés par les éléments ayant altéré la pellicule. Si les tableaux blancs de Robert Ryman fonctionnent comme une somme d’indices mettant en évidence chaque geste du peintre, les photographies de Foerster retracent avec précision chaque intervention du photographe et de l’environnement extérieur, à condition de les savoir lire.

Ryan Foerster est né en 1983 à Newmarket au Canada.
Il vit et travaille à New York aux États-Unis.

[2] Entretien par mail avec l’artiste daté du 18 mars 2013.

[3] «  In the garden there are blank printing plates baking in the sun, which are not far from the tomatoes and cucumbers that I’ll be watering. […] I really enjoy having this kind of double garden practice where I’ll check on the plants, and then on the objects, maybe move a few things around so that they get more or less sun. »
Ryan Foerster dans un entretien avec Bob Nickas.
FOERSTER Ryan, Shoot the Lobster, New York, 2012.

Texte écrit en avril 2013

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